Je m'appelle Philippe et je ressens le besoin de construire une préface pour exprimer ce que je vis depuis un peu plus de 6 ans.

J'ai connu Carmen sur internet il y a 8 ans, alors que je jouais sur un site de jeu de lettres, c'était la plus acharnée de mes adversaires et je prenais un réel plaisir à jouer contre elle. Ce site pourvu d'un chat nous permettait de communiquer et je trouvais qu'elle était enjouée, avec un humour et un goût du jeu quasi identique au mien.

Aucune équivoque entre nous puisque j'étais marié pour ma part et elle vivait avec le père de ses enfants. Très vite une amitié est née, nous avions un parcours similaire mariés jeunes, deux garçons chacun, du même âge et des vies familiales qui risquaient de se terminer dans le mur, pour l'un comme pour l'autre.

Nous nous sommes perdus de vue durant environ 6 mois et au hasard du jeu, nous avons repris contact. Je lui ai proposé de venir jouer avec moi au scrabble et nous avons repris nos compétitions comme avant à la seule différence que son ami était parti et que je finalisais mon divorce, qu’elle venait de perdre son emploi et que le mien battait de l’aile. Nouvelle complicité dans la douleur de ces épreuves compliquées et un réconfort mutuel avec des soirées ou nous finissions pliés de rire, mdr dans le texte et même pdr !.

Cette période ou nous jouions tous les jours ensemble a duré environ 8 mois, pour finir une année 2002 sur une partie de scrabble un 31 décembre à minuit, en se souhaitant mutuellement une meilleure année à venir et plein de bonnes choses, en bref toutes les conneries que l'on peut débiter un soir de réveillon. Et dans mon élan, je lui propose le deal suivant; si nous sommes à nouveau seuls dans un an, nous devrions réveillonner ensemble... Pari tenu !!
L'année s'écoule normalement, enfin presque puisqu'il faut se reconstruire après un divorce et qui plus est dans un contexte professionnel des plus merdiques, mais bon le temps passe et nos parties de scrabbles règlent nos vies communes. Premier contact avec une webcam ou égal à moi même, j'ai osé lui dire qu'elle était quelconque, tel un ours qui voulait se protéger et ne surtout pas remettre le couvert avec une femme, (sur ce coup là, on est quitte, j'ai appris plus tard qu'elle avait appelé son fils pour lui montrer le vieux avec qui elle jouait régulièrement).

Et le mois de novembre 2003 arriva et ma mémoire ne me faisant pas défaut, je lui pose la question fatidique « veux-tu que l’on réveillonne ensemble ? », là j’ai eu une réponse évasive, pourquoi pas !! mais comment fait-on ?. Et oui, j’ai oublié de préciser que j’habite Izon  (monuments classés à coté de chez moi et un clic sur ma commune) prés de Bordeaux et elle Metz, une paille ! Mais longue de 963km dixit Mappy que j’avais déjà consulté. Je lui propose bien sur, de venir au soleil et de descendre me rejoindre, à cet instant et avec du recul j’imagine tout le courage qu’il lui a fallu pour me dire. Ce ne sera pas possible parce qu’il faut que je te dise quelque chose, je suis agoraphobe.       

Le mot est lâché, il ne me dit rien du tout et je ne vois pas en quoi être agoraphobe pourrait nous empêcher de nous voir. Passionné de mots, je connaissais même la définition de cette chose, mais bon moi tout seul, je ne ressemble pas à un groupe et encore moins à une foule et vu mon poids, beau bébé de 125kgs, je comble facilement le vide.

Et bien qu’à cela ne tienne, je monterai à la conquête de Metz, région que je ne connaissais pas du tout. Etant commercial sur la moitié de la France, un trajet de 1000km ne me pose aucun soucis, je conduis comme je respire depuis des années, la route est partie prenante de ma vie. La date fixée au surlendemain de Noël, un séjour d’environ 4 jours, nos conversations deviennent plus intimes. Elle se livre petit à petit comme une rose perdant ses pétales à l’approche d’un changement climatique. Elle se dévoile étant au pied du mur et nous convenons des choses suivantes :
  • ·         Elle a une bulle de confort, sa maison, je devrai m’y intégrer le plus délicatement possible.
  • ·         Prévision d’un séjour à l’hôtel du coin, au cas où ma présence serait trop pesante.
  • ·         Aucune sortie durant le séjour.
  • ·         Possibilité d’un retour le jour même si ma présence pose problème.
 
Je valide tout en pensant bien évidement que sur place je serai bien capable de changer tout ca. Qui plus est lorsque l’on est amoureux, on soulève des montagnes et oui c’est dit, j’étais déjà amoureux d’elle avant de la rencontrer. Sa fragilité dont je ne connaissais pas la cause me fascinait, sa douceur m’envoutait, son effronterie m’étonnait, oh oui elle est pire que moi ! Son amour pour ses mômes ressemblait de beaucoup au mien. En bref, mon cœur battait la chamade pour une femme quelconque qui ne ressemblait à personne.
Metz, me voila !
J’ai donc découvert un petit canon, vivant en autarcie avec ses deux fils dans une bulle de confort qu’elle acceptait de m’ouvrir et j’ai plongé dans son univers.

Un petit bout de femme hyper-sensible et fragile, repliée sur ses enfants comme une mère couveuse qui veut protéger sa progéniture du monde extérieur. Deux beaux gamins adorant leur mère jusqu’à la surprotéger, mais également ingrats sans s’en rendre compte en lui faisant régulièrement prendre conscience qu’elle ne faisait rien. Ecarts de langage d’adolescents tendant vers des adultes qui auraient tant voulu une enfance sans responsabilités, mais conscients d’avoir une mère exceptionnelle qui de par sa différence leur a tout donné. Une symbiose certainement liée à cette situation. En fait un trium vira complètement imbriqué et complice dans lequel je me demande parfois comment j’ai pu réussir à m’y intégrer.

Sa vie déstructurée par ces angoisses, ayant été jusqu’à lui faire perdre son emploi, une mécanique bien rodée :
  • ·         un réveil correspondant aux nuits passées (je découvre l’ampleur du mot Agoraphobe lorsque je réalise que c’est réellement une peur insidieuse qui te réveille la nuit. Et oui elle fait des malaises la nuit, des crises de paniques terribles que je découvre impuissant avec pour seule utilité que d’aller chercher une poche pour qu’elle respire à l’intérieur et lui tenir la main pour la rassurer).
  • ·          un petit café pris devant l’écran à jouer au scrabble afin de ne pas penser à sa condition, à son inactivité, à ses factures, au lendemain. Quoique sur ce point là, je n’ai pas changé d’avis, je reste persuadé qu’elle fonctionne comme son ordinateur, sa tête est occupée à jouer mais son disque dur travaille toujours en fond d’écran à la recherche des solutions qu’elle ne trouve pas au plus profond d’elle.
  • ·         Lorsque la fatigue intellectuelle la guette, elle travaille son physique avec une séance de ménage digne d’un parcours du combattant. La traque de la saleté jusqu’à la brosse à dents dans le moindre recoin, sa bulle de confort ne peut être idéale que si elle est impeccable.
  • ·         Et là, vidée intellectuellement et physiquement un repos bien mérité lui permettant de récupérer en grande partie de sa nuit cauchemardesque.
  • ·         Un réveil lorsque les enfants rentrent pour leur faire à manger et enfin se préparer à affronter une nouvelle nuit que l’on voudrait voir finir au plus vite en guettant, volets ouverts, l’arrivée du jour salvateur.
Implacable comme description, mais tellement vraie !

Parfois, il y a l’obligation de sortir, si ce n’est que pour aller chercher du pain, pour les autres !, un chemin de croix d’environ 50 mètres, le boulanger étant au pas de porte à coté. De la coulée de sueur aux tremblements, lorsque ce n’est pas une envie de vomir qui arrive parfois à son terme, une vue qui se brouille, des jambes qui flageolent, une peur panique de se retrouver emportée à l’hôpital au point d’être toujours lavée des pieds à la tête au cas ou !

Je pourrais d'écrire durant des heures toutes les difficultés contre lesquelles elle lutte en permanence et que j'ai appris à déceler avant de les voir apparaître.

Le plus dur, pour nous conjoint c’est dans un premier temps de ne pas comprendre et de vouloir raisonner par des phrases à la con :
  • ·         T’inquiètes pas, dehors les gens ne te regardent même pas, tu risques rien !
  • ·         Ce n’est pas loin, ca va bien se passer !
  • ·         Allez fais un effort !
  • ·         Etc…
Mais c’est aussi faire des blagues à la con :
  • ·         Insister pour aller faire des courses et la laisser en caisse seule sous prétexte d’avoir oublié un article. Très con !
  • ·         Arriver par surprise et la faire sursauter. Et oui ! la moindre surprise lui fait toujours pousser de grands cris au plus grand plaisir des ses fils et des miens qui régulièrement s’amusent de cette frayeur réelle. Moins grave mais tout aussi con !
  • ·         La forcer à sortir les jours ou elle ne le sent vraiment pas, journée gâchée par excellence !
  • ·         Etc…
Des comportements à la con :
  • ·         Avoir tellement envie de sortir au point d’en faire un chantage (repas entre amis), pas bien !
  • ·         Péter un câble lors d’un trajet trop long en voiture, en gueulant comme un âne excédé par ce mal être… horrible soirée traumatisante pour elle et comportement inadmissible et abruti !
  • ·         Etc…
 

Traduction d’Etc… propos, actes, comportements soi-disant normaux pour le commun des mortels qui deviennent absurdes, blessants, voire dangereux pour un agoraphobe et surtout pour votre conjoint.

 

Mais c’est aussi accepter de changer sa vie, pour ma part, j’ai petit à petit abandonné mon fils pour prendre soin de Carmen, pauvre petit bout de chou de 18 ans à l’époque qui a du grandir plus vite

       . 

C’est également prévenir famille et amis (désolé pour ton mariage Mickael !) qu’il ne me verrait que lorsque je le voudrai et non lorsque eux le souhaiteraient. D’ailleurs, pour justifier ces changements, je me rends compte à quel point j’ai été maladroit et blessant vis-à-vis de Carmen en mettant en avant ses pathologies.

Mais c’est également beaucoup d’écoute, de mise en confiance ce qui lui a permis, lisez bien :
  • ·         D’aller voir la sortie d’Harry Potter au cinéma, dans une salle bondée, obscure, un soir de semaine à quelques kilomètres de chez elle.
  • ·         De venir, maintenant, régulièrement chez moi en voiture, 963 km je le rappelle, bon ok avec 2 cachets de mer calme et une cure de sommeil sur une bonne partie du trajet, et surtout après avoir compté les arbres en partant.
  • ·         D’aller presque toutes les semaines jouer au loto dans des salles pleines à craquer, prés d’une porte de sortie bien sur !
  • ·         De sortir seule avec le scooter que je lui ai offert pour aller faire des courses au supermarché à 3 kilomètres, dur tout de même et des retours parfois précipités.
  • ·         De téléphoner aux différents services pour se dépanner et oui ça aussi c’est parfois dur à gérer.

 

Carmen a changé en 6 ans même si elle ne semble pas s’en rendre compte.
Pour commencer, par le dialogue, je lui ai fait accepter l’idée qu’elle était malade et devait voir un psychothérapeute. J’ai d’ailleurs eu la chance de lui faire lire un livre prêté par une collègue de travail (merci Arielle !) portant sur le traitement comportemental cognitif. Une étape pour Carmen qui a eu la chance de trouver un médecin ayant travaillé avec l’auteur du livre. De quoi mettre en confiance et surtout d’être à mon humble avis une des meilleures méthodes actuelles pour aider un Agoraphobe à s’en sortir, du coup des rendez-vous avec ce médecin qui l’ont grandement aidé, même si elle repousse ses rendez-vous régulièrement, dommage !.

Un autre agoraphobe vous dirait, c’est génial et presque gagné, toutefois il s’en garderait bien sachant que le plus dur est le combat contre soi-même, ou ce qui a été acquis la veille ne le sera peut être plus demain. Et qu’il faut répéter des heures et des jours durant ces petites choses infimes qui pour tout un chacun se font sans s’en rendre compte, mais ressemble à l'escalade d'une montagne sans guide pour tout Agoraphobe.

Pour éviter que cette préface ne devienne un roman, je veux juste finir par un message d'espoir.

 

Le mot de la fin. BRAVO chérie et continues, je sais que ton rêve de travailler à nouveau se réalisera bientôt… 

Si vous avez eu le courage de lire ma préface. Je ne peux que vous faire partager un petit détour par ma région:

et pour commencer la visite chez un ami Toulousain féru de photos, le seul homme Champion du Monde toutes catégories de la course APRES UN VTT, courage Lolo peut être qu'un jour tu les rattraperas...(il est juste un peu radin et n'as pas encore payé son hébergeur, dès qu'il retire ses oursins de ses poches je pourrais remettre son lien... désolé mais j'y tiens). Voila c'est fait profitez de ses photos.

 

Un autre détour, un peu en famille, chez des amis trés chers à mon coeur. Des gens qui bossent comme des dingues avec une seule passion, celle du cheval. Voici leur site et si vous passez par chez eux faites un petit crochet, on y vit trés bien...

   

une visite à 5km de chez moi pour découvrir le mascaret 

 

 

 

 

 

 
 



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